lundi 26 mai 2014

Les Contes de la Vallée te narre l'Histoire d'un Poète

Une fois n'est pas coutume, le Miroir sort de son cadre pour réfléchir à d'autres horizons. Viens par ici, je t'amène dans la douce Vallée de Chevreuse qui s’égaille durant le Festival Mai en Scène. 



Passer les chemins de traverse et le périple au bout RER B ne fut pas chose aisée quand la compagnie a désertée, mais Les Contes de la Vallée se méritent. Une fois arrivée à l'Espace Racine, la tragédie est évitée : pour une fois le Destin est en notre faveur, le RER B est arrivé à l'heure. 

La soirée met à l'honneur le spectacle vivant et les créations d'Emilia Santucci. Au programme une première pièce de théâtre met en scène Les Jeunes Pousses dans Cinq Sœurs. Sur fond de Pink Floyd, les filles nous entraînent dans ce qu'il semble être un pensionnat pour orphelines. La pièce en huit clos est rythmée des mystères entourant la pension. Entre disparitions inquiétantes, transformation en rat de bibliothèque et Martiens : ce soir tout peut arriver. 

D'un pensionnat déserté à une troupe de claquettes, il n'y a qu'un pas et celui-ci est frénétique. L'Electronic Dance Music se réchauffe aux claquements cadencés des pas sur le parquet de la scène. Après tant d'énergie, une pause s'impose. 
ENTRACTE. 

L'entracte laisse place à l'Histoire d'un Poète. Plongée dans un noir obscur la pièce se révèle. Les tableaux se succèdent et s'illuminent d'une lumière froide... jusqu'à l'arrivée du Soleil, qui luit comme l'étincelle au bout du Tunnel. Entre tension dramatique et éléments plus légers, l'histoire se construit sans fausse note. Les émotions sont au rendez-vous, portées par l'interprétation des comédiens, les épisodes de chants acapella et les très belles envolées de danse contemporaine. L'accompagnement musical participe à l'atmosphère vaporeux des Muses et nous plonge dans les abysses de l'âme torturée d'un poète parfois désabusé. 
La beauté de la pièce réside sûrement dans l'infinité de ses interprétations. J'ai vue celle-ci comme une réflexion meta-textuelle sur l'inspiration de tout artiste, où chaque personnage représente une part de la personnalité de tout un chacun. Tous sont donc liées, et il faut alors trouver le juste équilibre entre tous ces éléments. 
Entre Destruction et Création, la Fatalité ne semble jamais vraiment liée. 

mercredi 21 mai 2014

[Morceau Choisi] Sia, Chandelier, 2014

Récemment mes oreilles se sont portées sur le dernier single de Sia, Chandelier qui préfigure la sortie de son album début juin. 


Sia signe donc son grand retour, après s'être faite remarquer sur la scène mainstream à coup de featuring avec David Guetta et Flo Rida. Mais la chanteuse australienne de 38 ans n'en est pas à son coup d'essais puisque 1000 Forms of Fear est déjà son 6e album. 
Ce qui m'a interpellée à l'écoute de Chandelier, c'est la ressemblance avec Diamonds, titre de Rihanna. La ressemblance est particulièrement parlante sur le premier couplet : Rythme chaloupé, phrasé saccadé, voix chaude allant crescendo. J'avoue avoir été déroutée, moi qui est connue Sia à travers ses albums Color the Small One et Some People Have Real Problems, plus pop-folk que Chandelier donc. Musicalement, on est loin du célèbre Breathe Me essoufflé mais poignant, quoique les paroles de Chandelier restent dans la lignée quelque peu torturée. 

Mais pourquoi se tourner vers des sonorités rihannesques alors ? 

A piori Sia et Rihanna ne jouent pas dans la même cours. L'une est une artiste discrète et complète : auteure, compositrice et interprète; l'autre est interprète, et adepte des tabloids. Ce qui les rapproche finalement, c'est bel et bien le titre Diamonds, composé et écrit par... Sia. J'ai presque envie de dire que tout s'explique. 

Chandelier, outre ces quelques similitudes, est un morceau pop plutôt efficace porté par le timbre brisé mais puissant de Sia. La mélodie reste bien en tête, et le clip donne des envies d'envolées contemporaines, mises en valeur par la jeune danseuse Maddie Ziegler. (Personnellement, je trouve le clip assez dérangeant, mais passons...)  

vendredi 16 mai 2014

[Morceau Choisi] Jones & Stephenson, The First Rebirth, 1993

A la demande d'Eloïse, on s'attaque à un classique de la Techno Hardcore : The First Rebirth de Jones & Stephenson.


Si le duo belge est peu prolifique, 4 singles en 20 ans - autant dire que les deux producteurs aiment se faire désirer, The First Rebirth n'en est pas moins considéré comme un classique de la Trance musique. Et pour cause, pendant l'écoute on finit bel et bien en transe. The First Rebirth, comme son nom l'indique, guide l'auditeur dans une état second. Porté par ses oreilles, l'auditeur renaît dans un monde parallèle porté par des samples galactiques et des basses persistantes. En l'espace de 6 minutes, Franky Jones et Alex Stephenson nous guident dans un délire psychédélique qui va crescendo jusqu'à l'extase. Le morceau commence en douceur, le temps d'amadouer les sens, puis peu à peu les basses s'imposent et explosent. Le rythme est frénétique, la cadence folle. Puis viens sonner le drum roll et l'ensemble se calme un peu. Mais attention, ça n'est que pour mieux reprendre notre souffle avant de repartir en trombe dans les profondeurs de la nuit. Le rêve (ou la rave ?) ne fait que commencer, et mieux vaut être endurant... L'auditeur est emporté dans un trip infini qui s'entremêle aux loops du morceau. 
Les plus récalcitrants ne ressortiront pas indemne du bad trip
Les autres... ? Et bien 20 ans après, ils n'ont pas l'air complètement rétablis. Pour preuve l'incalculable nombre de remix, dont l'un signé Modeselektor, que les berlinois ont sorti en 2007. 


The First Rebirth me rappelle un peu ces hallucinations auditives, censées procurer les mêmes effets que la drogue, qu'on se faisait tourner au collège. Pour la #MinuteCulture, c'est basé sur le principe du battement binaural, découvert en 1839 par Heinrich Wilhelm Dove : un son, composé de deux fréquences légèrement différente et diffusé en stéréo, piège le cerveau. 

En bref, c'est séduisant, envoûtant et quelque peu addictif. 

Et comme le Plat Pays regorge d'artistes stupéfiants, je finirai sur un morceau de The Subs auto-proclamés Pope of Dope :  

Ps. Pour la Fête des Mères, comme le dis si bien Jeroen "Vole 20€ à ta mère...
PPS. Si tu aimes The Subs, va donc faire un tour au Social Club le 24 mai. 



samedi 10 mai 2014

Lykke Li - I Never Learn



I Never Learn est à l'image de la troublante suédoise Lykke Li. L'album oscille entre atmosphères pesantes, paroles dépressives à tendance auto-destructrice et envolées solaires mais froides sur fond de ballades power pop. C'est un album post-rupture à écouter lors d'une retraite en Scandinavie, couché sur la neige à regarder les aurores boréales. Un album d'introspection entre acceptation de soi, et acceptation par l'autre. L'album est construit au rythme des pérégrinations de l'âme, et les morceaux se font échos. L'autre  y est présent tout du long, comme ce fantôme qui hante l'existence de tout un chacun et  entrave sa remise en question.  Il représente l'immuabilité de la nature humaine, l'espoir, et la fatalité.


Entre espoirs déchus et destiné, il semble bien que Lykke Li restera toujours fidèle à son esthétique noire mais lumineuse tel un Soleil de Minuit suédois. 



dimanche 4 mai 2014

If You're Lonely Press PLAY, et laisse Damon Albarn te guider à travers Everyday Robots.


Everyday Robots nous transporte instantanément dans l'univers mélancoliquo-futuriste de Damon Albarn. Les premières notes ont sonné et le voyage est amorcé. Nous voilà donc plongés corps et âmes dans une ville déshumanisée et fantasmagorique. Les hommes ont été remplacés par des humanoïdes sensibles. Tel Alvar Nuñez Cabeza de Vaca, nous sommes coincés entre un passé pesant et un futur froid. "They didn't know where they was going but they knew where they was, wasn't it?" Nous ne sommes pas perdu. Au loin la voix de Damon Albarn nous guide comme un charmeur de serpent dans cette atmosphère désolée. Les notes d'un violon nous guide vers un chemin lancinant menant à Hostiles. Tout est silencieux, il semble qu'on ne soit plus que deux dans cet endroit austère mais lumineux. Et cette présence est rassurante, quoique quelque peu étouffante... La communication est presque coupée, elle passe mal. On n'est plus sur la même longueur d'ondes, les réglages sont à parfaire... 

[PRESS ]  


"When I'm lonely I press play. Can I get a little closer ?" Sur ces notes, l'arythmie est lancée mais tout va s'arranger. La basse se veut plus rassurante, le chant plus affirmé. La mer s'est calmée mais les irrégularités demeurent. Le bateau est lancé vers d'autres horizons, pourquoi pas les côtes Tanzaniennes ?  Nous y voilà Injili, voilà la comptine ukulélélesque de Mr. Tembo. Tout va mieux maintenant, les chœurs nous rassurent.  Mr. Tembo, l'éléphanteau orphelin a retrouvé le sourire, et nous l'optimisme. Parakeet parachève notre évasion à sauts de mouton. 

Retour au pays, le soleil de la Tanzanie est bien loin. Nous voilà assis au bar d'un hôtel au charme suranné, à siroter un Hemingway Spécial. Le pianiste nous livre ses envolées jazzy et nous guide, doucement mais sûrement, vers la maturité. Damon nous livre ses anciens démons, et nous confie ses craintes nappées dans un rhum cubain et une contre-basse chaleureuse. 
"I had a dream you were leaving, where every atom in the universes is passing through our lives."
Moko Jumbi nous a rejoint au bar, mais l'heure n'est pas à la fête. La mélancolie a pris le dessus. Comment en est-on arrivé là ? Toi qui irradie, et moi qui me renferme... "The twilight comes", la lune danse, éclaire tout sur son passage et "all goes round again". On ne sait pas comment tout ça finira, mais c'est apaisant. 

Hollow Ponds nous fait revenir en arrière. Londres, 1976, Souviens-toi la vague de chaleur.  Souviens toi l'été 1979 près de la Mer Noire. Souviens-toi comme tout s'est accélérée en 1991. 1993... "Modern Life was sprayed onto a wall."
Damon nous transporte dans son passé, et les étapes-clé de sa vie qui ont fait de lui cet artiste accompli. On ne pourra réprimer un sourire nostalgique à la référence faite à Blur



Seven High n'est pas le 7e ciel mais on en prend le chemin. Arrivés au Nirvana, autant prendre des photos. Mais attention : "This is a precious opportunity, beware of the photograph you are taking now." Immortaliser l'instant ce fait avec parcimonie, c'est tout un art. Sur l'autel, une photo de John Coltrane a remplacé les icônes. On imagine alors aisément que Damon Albarn conçoit sa musique à l'image de l'illustre jazzman : comme une quête spirituelle. On mêle donc photographie et composition musicale. Tout est question d'agencement, de réflexion. Du méta-textuel au métaphysique, il n'y a qu'un pas que franchit Photographs You Are Taking Now.  



The History of a Cheating Heart apparaît comme un morceau-rédemption. Le morceau se détache de l'album par sa simplicité, une guitare-voix fera l'affaire. On rajoutera des cordes pour la forme et le côté lyrique. Ici, il est question de se livrer de la manière la plus authentique possible. Les instruments  organiques l'importent alors sur les beats vaporeux et mécaniques. L'introduction d'Heavy Seas of Love concorde à cette atmosphère brillante et victorieuse. Ça sonne comme une prière énoncée par le chaman Brian Eno, qui viendrait réveiller l'âme perdue de l'humanoïde à coup d'un sample de réveil digital. Les chœurs s'agencent à la manière d'un gospel qui nous guiderait vers l'humanité. Le morceau se clôt sur le sample quasi-inaudible et déconstruit de Lord Buckley, utilisé à l'ouverture d'Everyday Robots. 

"They didn't know where they was going but they knew where they was, wasn't it?" 

La boucle est donc bouclée. Avec cet album magnifiquement produit et orchestré, Albarn nous a non seulement fait voyager, mais il nous aura donné une bonne leçon : La musique n'est rien si elle n'est pas pensée intelligemment. Les beats, c'est très beau, mais ça peut être très froid. On est peut-être des robots ordinaires, mais il ne tient qu'à nous de devenir des êtres extraordinaires.