Alors que Paris est plongé sous la grisaille, je vous emmène en voyage sous les tropiques. Après l'itinéraire Sauvage de Fakear que j'ai chroniqué sur Stereofox, je suis restée sur des sonorités expérimentales et inspirées par le Bengale.
Suis-moi, je t'emmène dans la Zabajaba Jungle de Glass Animals et son bestiaire qui ne vous laisseront pas de glace.
Si au premier abord, Zaba m'a fait penser aux contrées lointaines et surannées d'Alt-J, il serait bien réducteur de mettre les deux groupes dans le même panier - surtout quand on voit un peu la direction que semble prendre Alt-J. Certes la voix de Dave Baley est presque aussi nasale et éthérée que celle de Joe Newman. Et on ne peut s'empêcher de rapprocher les sonorités des deux groupes : leur mélodies aériennes, et ces mélanges de beats doucereux & d'instruments organiques. Mais les univers sont bien distincts. Si pour An Awesome Wave, Alt-J avait été lorgné du côté cinématographique (Mathilda) et photographique (Taro), Glass Animals prends son inspiration des contes enfantins.
En réalité, le voyage musicale suit les traces du livre pour enfant qui a donné son nom à l'album : Zabajaba Jungle de l'américain William Steig. Ce livre a bercé l'enfance du chanteur, Dave, et c'est donc tout naturellement que celui-ci s'en est largement inspiré pour écrire et composer le premier album de Glass Animals.
L'album s'ouvre sur Flip et ses rythmiques hindies qu'on dirait tout droit sorties du Gange. A la poursuite d'un tigre du Bengale, le morceau gagne en puissance jusqu'à l'implosion, à l'image des chaînes que l'on brise pour se lancer à sa poursuite. Black Mambo nous plonge dans ses notes hypnotiques, à travers lesquelles se dégage la voix de Dave qui nous apaise. Il semble que la musique de Glass Animals soit tout aussi entêtante que le venin du serpent africain... "We can hold you" nous susurre inlassablement Dave qui nous retient dans cette jungle tropicale. Livrés à nous-mêmes dans ce monde d'exotisme, Pools nous emmène valser sur ses afro-beats. "I'm a man of tricks and tools and joy" nous déclare Dave, histoire de nous prévenir qu'on le veuille ou non, il nous a à sa merci pour déverser sa pop chatoyante. A pas feutrés, arrive le contagieux Gooey, reconnaissable par sa batterie électronique et cette sonorité aquatique particulière qui nous englue dans la circularité du morceau. Tel une mouche prise au piège, l'ouïe est happée dans ces loops mielleux, et ne peut plus s'en défaire. Une fois dépêtré de cette forêt sans fin, Walla Walla nous entraîne en plein cœur d'une cérémonie Taj Mahal-esque. Le faste et les danses traditionnelles sont au rendez-vous. Le "Take my hand" final sur fond d'explosions sonores nous entraîne dans un joyeux bazar comme on en voit au détour d'une célébration de Holi.
Instruxx sert d'intermède et calme le jeu alors que la nuit tombe sur le palais. Mais le pays des rêves est mouvementé, à l'image de l'instrumental. Ecoute, écoute... Et laisse toi aller dans le brouillard d'un Hazey évolutif. On y retrouve la batterie planante de Gooey dans un univers plus onirique. La progression du titre nous entraîne sur des chemins de traverse où le risque est bien de perdre la tête. Toes arrive sur la pointe des pieds, discrètement, sans faire trop bruit. La basse est omniprésente. La basse, c'est ton corps qui avance à tâtons vers l'inconnu, guidé par cette force supérieure qui t'ordonne d'aller vers les dunes endormies.
Wyrd est sans doute le morceau le plus trippant. L'atmosphère y est plus lourde, comme si la réalité nous rattrapait et voulait nous happer. Vite, comme le campagnol dont il est question, il nous faut nous réfugier, échapper à tout danger.
Cocoa Hooves a des airs de Spanish Sahara dans ces premiers accords. Sauf qu'on ne trouve pas encore de chèvre aux sabots en chocolat dans le Sahara... Si tout semble possible dans l'imaginaire de Zaba, je doute d'apercevoir cette chèvre ailleurs que dans mon esprit malade. "Why don't you dance like you're sick in your mind?"
Jdnt intervient comme un lueur dans la pénombre de cette seconde partie de disque. Sous ses faux-airs de Radiohead, le titre de clôture s'étire de tout son long, en douceur, comme pour mieux nous retenir dans cette univers animal.
"Play with me and pass the ball.
Take my hand and let us fall."
Take my hand and let us fall."
Il est ainsi tant de grandir un peu et de laisser de côté notre imaginaire d'enfant... Au moins jusqu'à la prochaine écoute de Glass Animals.